Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Enseignement  Supérieur Sciences de gestion
27 mars 2008

Carrières et désillusions d’un système courtisan

L’université est un symbole éducatif et culturel qui reste fort dans l’esprit des Français. Tous les parents rêvent de voir leurs enfants réaliser des études qui les aident à s’installer dans une société dans laquelle le diplôme reste, en termes d’image, souverain. Les universitaires ont de ce fait un rôle éducatif, culturel fort et bénéficient d’une image de savoir et de connaissance depuis des temps ancestraux.

Faire carrière à l’université n’est pourtant pas une sinécure. Si les plaisirs de l’intellect, de la recherche de l’accomplissement de soi embellissent la fonction, il n’en demeure pas moins que le côté scintillant se ternit rapidement avec quelques observations faites à la loupe sur la fonction, le rôle et l’évolution des carrières des universitaires.

L’enseignement est une forme de sacerdoce de façon générale. Les enseignants sont mal rémunérés et mal considérés bien souvent dans l’esprit des parents et des enseignés. A l’université, les choses ne sont pas différentes et le parcours des enseignants, leur travail, leurs carrières sont mal connues. Ils bénéficient néanmoins d’une certaine « aura » même s’ils sont souvent critiqués.

L’enseignant qui entre à l’université est intronisé sur certaines logiques qui diffèrent selon les disciplines. Entre les sciences dites "dures" (scientifiques) et les sciences dites "molles" (sciences sociales), les écarts sont importants. Les premiers sont choyés par le système éducatif, ils bénéficient d’un nombre de postes importants et leurs carrières se font avec plus de transparence. Dans certaines universités scientifiques, le nombre de postes est tel que les enseignants ne parviennent pas à faire leur service. En revanche dans les disciplines relatives aux sciences sociales, les postes se font plus rares, les évolutions de carrières plus difficiles.

 

Ajoutons que le poids des universités joue également sur les postes et les carrières. Dans certaines universités, les plus prestigieuses, le ministère est plus généreux en ce qui concerne les postes. Dans d’autres, il est difficile d’obtenir des crédits, des postes alors que cela s’avère indispensable. La colère des banlieues que nous avons connue ces dernières années n’est pas complètement étrangère à ce type de situation.

 

Comment faire pour entrer à l’université ?

Les étudiants nous posent souvent cette question. La réponse n’est pas toujours facile. Les disciplines ont chacune leurs règles, formes de concours plus ou moins déguisés où ce ne sont pas forcément les meilleurs qui parviennent à obtenir un poste. Les commissions de spécialistes organisées par les universités permettent l’accès des candidats à des postes d’ATER (attachés temporaires de recherche) qui correspondent à nos anciens postes d’assistants. Leur thèse présentée, les ATER postulent sur des postes de maîtres de conférences. Cette procédure est réalisée à l’échelle nationale et les dossiers sont examinés par le CNU (conseil national des universités). Chaque candidat voit son dossier confié à deux rapporteurs qui statuent sur les qualités scientifiques du dossier. Si les deux rapports sont favorables, le candidat est admis. Ce merveilleux jeu de dés permet à tout candidat d’avoir ses chances ou d’être écarté. S’il est connu par un de ses rapporteurs, il a toutes les chances d’obtenir un rapport favorable. En revanche s’il a déplu ou s’il ne s’est pas plié aux exigences de certains enseignants, son dossier est écarté. Vous noterez que l’on ne juge pas le candidat sur ses capacités à enseigner, on regarde les rapports de thèse, les articles. On ne voit pas non plus le candidat, il est un dossier et rappelons que son entrée dans le milieu universitaire est jugée sur seulement deux avis. Vous ne trouverez dans aucun milieu professionnel un mode de recrutement plus aléatoire.

Ce vrai-faux concours donne une illusion de sérieux et c’est davantage le « copinage » et les relations entre membres du CNU qui préside au choix des candidats. Par ailleurs si le candidat est mal perçu par les deux membres du CNU, son avenir est plus que compromis puisque certains membres de ce CNU passent une partie de leur vie dans cette sacro sainte institution qui gère les carrières. Ils ont du reste tout intérêt à y rester car en ce qui concerne la carrière, nul n’est jamais mieux servi que par soi-même.

 

Si vous êtes chanceux, que vous gagnez au jeu de dés ou que vous avez pratiqué le lobbying nécessaire, vous devenez pompeusement maître de conférences. Ce titre qui ne correspond à rien à l’échelle internationale, vous permet de faire des cours mais ne vous permet pas d’encadrer des travaux de recherches. Il vous faut pour cela être habilité à diriger des travaux de recherches. Ce cheminement est plus ou moins long. La cooptation, ou plutôt le népotisme régnant, vous pouvez obtenir ce titre quasiment sans publications. En revanche pour d’autres, c’est un véritable parcours du combattant, il faut que les travaux plaisent, il faut surtout ne pas générer de susceptibilités chez les professeurs, maîtres du bal et surtout pas chez les membres du CNU que l’on aime ou que l’on craint, car leur pouvoir, vous l’avez bien compris, est sans appel.

 

Vous commencez alors à comprendre que dans ce milieu votre carrière devient chaotique. Il n’existe pas de vraie règle de progression, la courtisanerie fait loi et régit les carrières. Il est vrai que cette règle est vraie dans de nombreuses autres institutions comme les entreprises. En revanche, dans les entreprises, il vous est toujours possible de quitter celle qui bloque votre carrière. A l’université, cette échappatoire n’existe pas. Tout passe par la volonté de ces membres du CNU,  élus par leurs pairs ou nommés par le ministère.

 

Qui sont-ils ces membres du CNU ?

On pourrait penser qu’ils représentent l’excellence de la profession, qualité qu’ils demandent bien évidemment à leurs candidats. En fait il n’en est peut être rien. Leur élection est liée en grande partie à leur pouvoir syndical, leurs accointances avec le ministère. En sciences de gestion certains membres du CNU siègent depuis plus de dix ans sans avoir jamais écrit une seule publication. Seul le pouvoir syndical leur permet de se maintenir. De plus ce sont souvent de grands « ayatolas » qui prônent la recherche et l’excellence… Nous menons actuellement une recherche sur les activités des membres du CNU en sciences de gestion (6ème section). Les premiers résultats sont dignes d’intérêt et intéresseront sans doute au plus haut point certains de nos collègues.

 

Si dans certaines sections, il est possible de progresser de façon plus régulière, dans d’autres sections, cela est très difficile et plus particulièrement dans les sections où l’on a institué le concours de l’agrégation. Les disciplines telles le droit, les sciences économiques, les sciences politiques et la gestion connaissent ce concours qui peut vous donner en très peu de temps votre bâton de maréchal. Un jury de quelques personnes vous attribue un titre de professeur sur vos travaux de recherche et une leçon et si vous avez la chance de connaître quelques membres du jury, le coup de poker est fabuleusement gagnant car il ne vous est plus nécessaire de produire des travaux de recherche pour progresser. Le passage dans les classes supérieures est tout aussi hypothétique et chaotique.

 

Pour ceux qui ne peuvent accéder à ce concours, il reste la voie dite longue. Quelques postes sont proposés tous les deux ans et dans certaines disciplines telles que la gestion (6ème section) les postes ne sont pas pourvus ou au compte goutte. C’est du reste dans cette discipline que l’évolution des carrières est la plus difficile. Les enseignants maîtres de conférences ont tout intérêt à assurer leurs enseignements et poursuivre des carrières d’avocats, d’experts comptables, de consultants… Ils ne connaîtront pas les désillusions et vivront financièrement correctement.

Que faire ?

 

Ce discours peu enchanteur il est vrai est plus que réaliste. Tous les enseignants connaissent ce profond malaise. Il n’incite pas au travail et les motivations des enseignants s’émoussent rapidement avec le temps. On observe également une désertion dans cette profession. Les docteurs en Sciences de Gestion ou en Economie préfèrent se diriger vers des écoles de commerce ou partir à l’étranger. Leurs rémunérations vont se multiplier par deux ou trois et ils connaîtront à coup sûr une reconnaissance dans leur travail.

 

Et pourtant il n’est pas difficile de transformer ce système mourrant et destructeur. Il est possible de trouver plus d’équité et d’éthique dans ce système, mais aussi plus de lisibilité. Il suffit d’observer ce qui se fait à l’étranger. Nos voisins allemands ont des systèmes codés qui permettent des notations affectées aux enseignants, plus de lisibilité et une véritable gestion des carrières. Il est en effet possible de noter des publications, d’évaluer des responsabilités administratives, des qualités pédagogiques. En France, les qualités pédagogiques d’un enseignant ne comptent en rien, ce qui est paradoxal. La valorisation d’un enseignant se fait sur la recherche qui est un métier quand même différent. Pour faire carrière à l’université, il est préférable de débuter au CNRS, de réaliser une dizaine de publications, puis de passer le concours de l’agrégation.

 

En regard de ces incohérences, Il nous semble aujourd’hui qu’il faut agir. Chacun doit être capable de maîtriser en partie son destin. Dans notre milieu, les syndicats ne nous ont pas apportés ce que nous étions en droit d’attendre. Politisées, les institutions syndicales sont souvent paralysées.

 

Nous proposons la création d’un mouvement opérationnel d’aide au développement et à l’épanouissement des carrières en milieu universitaire. Fondé sur l’éthique et l’équité, nous proposons des solutions qui donneront un peu de lumière à tous ceux pour qui la carrière s’est terminée avant même d’avoir commencée. Les meilleurs d’entre nous s’en vont car ils savent qu’ailleurs ils seront reconnus, que nous restera-t-il alors ?

 

Nous ne pouvons accepter plus longtemps le « diktat » de certains qui prônent la connaissance pour les autres sans la rechercher eux-mêmes.

Nous voulons plus de lisibilité dans nos carrières.

Nous voulons être respectés par nos institutions et par la société.

Nous voulons que nos rémunérations soient décentes. Un maître de conférences de fin de carrière a le salaire d’un enseignant du secondaire et gagne la moitié du salaire d’un conducteur de TGV…

 

Nous ne devons plus accepter ce type de situation. Nous représentons le monde éducatif, un monde de devenir et d’espérance.

 

Mes chers collègues le mouvement ÉTHIQUE et ÉQUITÉ doit se développer dans un esprit de renouveau, il doit motiver des enseignants déçus, spoliés par un système injuste et destructeur. Je sais que vous êtes nombreux à penser comme moi et je suis prêt à vous aider dans cette voie.

 

 Jean-Jacques Croutsche

Publicité
Commentaires
Enseignement Supérieur Sciences de gestion
Publicité
Enseignement  Supérieur Sciences de gestion
Derniers commentaires
Archives
Publicité